« Le restaurant de demain sera expérientiel ou ne sera pas »
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« Le restaurant de demain sera expérientiel ou ne sera pas »

Restauration
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La Coupure est le premier podcast des entrepreneurs de la restauration. Dans cet épisode animé par Ludwig Jamet, Bernard Boutboul, spécialiste du conseil aux restaurants, se met à table. Boom des néo-brasseries, recul des fast-food et avènement du restaurant expérientiel : un point complet sur les tendances où il est beaucoup question d'expérience client.

 

Ludwig Jamet, Hey Pongo : Bonjour, pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, pourriez-vous vous présenter ?

Bernard Boutboul : Bonjour, après des années en cuisine et en salle, j’ai créé Gira Conseil en 1989. Nous accompagnons nos clients dans tout ce qui est marketing stratégique et développement. Cela peut aller du concept à l’ouverture d’un restaurant, jusqu’à la chaîne de 450 établissements souhaitant se développer à l’étranger. Nous intervenons aussi pour revoir les cartes, le positionnement, ou la stratégie des enseignes qui veulent s’aligner sur les tendances du marché. Notre focus reste la ligne ‘chiffre d’affaires’ du compte de résultats, pour atteindre les meilleures conditions de rentabilité.

Des clients plus que jamais [.is--yellow-highlight]en quête d’expériences[.is--yellow-highlight]

Ludwig : Avec toutes les transformations en cours, comment le marché évolue-t-il selon vous ?

Bernard Boutboul : Le marché de la restauration est en pleine mutation. On observe deux grandes tendances. D’un côté, les consommateurs recherchent des expériences, des découvertes, quelque chose de différent. Ils veulent vivre un moment unique, que ce soit à travers l’ambiance, la qualité des plats, ou même l’interaction avec le personnel. De l’autre côté, il y a un retour aux valeurs simples, à la tradition, à ce qu’on appelle la cuisine de terroir. Cela explique le succès des concepts comme les bouillons parisiens ou les brasseries néo-traditionnelles.

Ludwig : Ce besoin d’expérience, c’est quelque chose qui revient souvent, non ?

Bernard Boutboul : Absolument. Aujourd’hui, je parle souvent de "l’expérience tridimensionnelle". Il y a trois niveaux d’expérience dans la restauration. Le premier, c’est le lieu. Le consommateur veut un endroit qui lui procure un effet "waouh". Le décor, le mobilier, jusqu’aux toilettes parfois ! Ensuite, il y a l’assiette : pas seulement la qualité, qui est un prérequis, mais aussi la présentation, les couleurs, quelque chose d’insta-grammable. Enfin, il y a l’interaction humaine. Les clients attendent plus qu’un service classique. Ils veulent être accueillis avec soin, que quelque chose se passe à table : une sauce servie devant eux, un plat flambé, ou même un simple sourire.

Ludwig : Vous avez mentionné les néo-brasseries comme exemple. C’est un vrai phénomène !

Bernard Boutboul : Oui, c’est fascinant. Ce sont des lieux où on retrouve cette expérience, mais dans un cadre décontracté. Les néo-brasseries prennent soin de l’accueil, du décor, et des plats, tout en gardant une ambiance accessible et conviviale. C’est ce que recherchent les consommateurs d’aujourd’hui. Mais attention, ce besoin d’expérience va au-delà des grandes villes. Même dans des petites localités, il est possible de créer quelque chose de spécial. Il faut simplement s’adapter au contexte local.

Où en est la [.is--yellow-highlight]digitalisation[.is--yellow-highlight] des restaurants ?

Ludwig : Et la digitalisation dans tout ça ? Est-ce que les restaurateurs sont prêts ?

Bernard Boutboul : Honnêtement, pas encore. La digitalisation avance à grands pas, mais beaucoup de restaurateurs ont encore du mal à s’y mettre. Pourtant, elle est essentielle : de la commande en ligne à la gestion des stocks, en passant par la communication sur les réseaux sociaux. L’intelligence artificielle, par exemple, est un outil formidable, mais sous-exploité. Elle peut aider à prédire les ventes, optimiser les achats, ou même créer une carte de restaurant.

Ludwig : Vous utilisez l’IA chez Gira Conseil ?

Bernard Boutboul : Oui, absolument. Nous nous en servons pour accompagner nos réflexions. Par exemple, si un client veut lancer un concept de street food sud-américain, on peut demander à l’IA de proposer une façade, un intérieur, et même un menu. Bien sûr, ce n’est qu’un point de départ. Il faut affiner et ajuster. L’IA n’est pas une fin en soi, mais un outil très précieux pour gagner du temps.

Ludwig : C’est impressionnant tout ce que l’IA peut faire. Mais il y a sûrement des freins, non ?

Bernard Boutboul : Oui, bien sûr. Beaucoup de restaurateurs ne sont pas prêts. Ils ont peur de l’IA, comme ils avaient peur de l’arrivée d’internet ou des réseaux sociaux. Mais la vérité, c’est qu’on ne peut pas y échapper. L’IA sera bientôt une banalité, tout comme l’est internet aujourd’hui. Cependant, je le répète toujours : l’IA est un outil, pas une finalité. Vous ne pouvez pas laisser l’IA gérer votre restaurant à votre place. C’est vous le patron, pas elle.

 

[.is--yellow-highlight]Quelle expérience client[.is--yellow-highlight] proposera le restaurant de demain ?

Ludwig : Revenons à l’expérience client. Vous disiez que la restauration devait être "expérientielle ou ne pas être". Pouvez-vous développer ?

Bernard Boutboul : Oui, c’est une phrase que j’utilise souvent. Aujourd’hui, si un restaurant n’offre pas une expérience unique, il devient interchangeable avec un service de livraison ou une dark kitchen. Pourquoi sortir de chez soi si c’est pour vivre quelque chose de banal ? La restauration doit proposer plus : une ambiance, une interaction humaine, un décor unique. C’est ce qui fera revenir les clients.

Ludwig : Parlez-moi des dark kitchens justement. Quel est votre avis ?

Bernard Boutboul : Les dark kitchens, c’est intéressant, mais c’est encore un peu tôt en France. Notre culture culinaire est très attachée à l’idée de voir ce qu’on mange, d’aller chercher son plat ou de manger sur place. Les dark kitchens fonctionnent bien dans les pays anglo-saxons où la livraison est très ancrée. Mais en France, cela prendra du temps. Cependant, avec la montée des générations Z et Alpha, je pense que ça va exploser dans les années à venir.

Ludwig : Et pour les grandes chaînes comme McDonald’s ? Vous pensez qu’elles peuvent suivre cette évolution ?

Bernard Boutboul : McDonald’s est un excellent exemple. Aujourd’hui, ils misent beaucoup sur la digitalisation et la livraison. Mais l’expérience en salle est quasi inexistante. Pourquoi aller manger chez McDo si ce n’est pas pour les jeux pour enfants ? À terme, ils pourraient devenir des dark kitchens géantes, car leur modèle est parfaitement adapté à cela. Par contre, des groupes comme Big Mamma ou Kodawari misent tout sur l’expérience, et c’est là leur force.

Ludwig : C’est vrai que les concepts immersifs comme Kodawari marquent les esprits.

Bernard Boutboul : Absolument. Kodawari est un exemple parfait. Quand vous êtes chez eux, vous êtes complètement plongé dans une rue japonaise. Tout est pensé pour l’immersion : le décor, les serveurs, les plats. C’est tellement bien fait que quand vous sortez, vous êtes presque choqué de retrouver Paris ! C’est ce genre d’expérience que les clients recherchent aujourd’hui.

Ludwig : Et les autres acteurs du marché ? Vous pensez qu’ils peuvent suivre ?

Bernard Boutboul : Tout le monde peut s’inspirer de ces concepts. Même dans les petites villes ou les villages, il est possible de créer une expérience unique en adaptant l’approche. Regardez ce qu’a fait la bistronomie : elle a décodifié la gastronomie en enlevant les nappes, en rendant les lieux plus accessibles, mais en gardant une qualité exceptionnelle dans l’assiette. C’est une façon de réinventer le modèle sans perdre son âme.

Ludwig : Donc finalement, même dans des contextes plus locaux, il y a des opportunités à saisir ?

Bernard Boutboul : Absolument. La clé, c’est de s’adapter à son marché, à sa clientèle. Prenez McDonald’s, par exemple. Ils ont standardisé leur offre et misé sur la rapidité et la praticité. Mais des concepts comme les néo-brasseries ou Kodawari jouent sur l’expérience. Il y a un public pour chaque modèle, mais il faut bien comprendre ses forces et se positionner clairement

Entre exploration culinaire et restos traditionnels : les [.is--yellow-highlight]grandes tendances[.is--yellow-highlight] des années à venir  

Ludwig : Quelles sont les grandes tendances pour les années à venir ?

Bernard Boutboul : Il y en a deux principales, selon moi. D’un côté, une montée en puissance de la découverte culinaire. Les gens veulent explorer des saveurs venues d’ailleurs, vivre des expériences nouvelles. Cela explique le succès des cuisines asiatiques, sud-américaines, ou même des concepts de street food spécialisés. De l’autre, il y a un retour aux valeurs traditionnelles. Des concepts comme les bouillons ou les brasseries typiquement françaises séduisent une clientèle à la recherche d’authenticité.

Ludwig : Cela semble presque contradictoire, non ?

Bernard Boutboul : Pas du tout. Les consommateurs sont devenus très infidèles dans leurs habitudes. Ils veulent tout : un jour découvrir un petit restaurant de street food coréen, et le lendemain se retrouver dans un bouillon parisien. C’est une richesse incroyable pour le marché, mais aussi un défi. Les restaurateurs doivent comprendre qu’ils ne fidélisent plus de la même manière qu’avant.

Ludwig : Vous avez parlé de partage dans les repas. C’est aussi une tendance forte, non ?

Bernard Boutboul : Oui, c’est une tendance qui monte en puissance. Les clients adorent partager, que ce soit des entrées, des plats ou même des desserts. On le voit dans beaucoup de menus où il y a maintenant une catégorie dédiée au partage. Cela permet de vivre un moment convivial et de goûter plusieurs choses en même temps.

Ludwig : Et qu’en est-il de la livraison et des dark kitchens ?

Bernard Boutboul : La livraison est encore minoritaire en France, avec seulement 10 % du chiffre d’affaires de la restauration. Mais cela va augmenter, probablement pour atteindre les niveaux des États-Unis ou de Londres, autour de 30 à 35 %. Les dark kitchens, elles, sont encore en rodage, mais leur potentiel est énorme. Elles répondront à une demande croissante, notamment chez les jeunes générations qui préfèrent commander et manger chez eux.

Les [.is--yellow-highlight]défis[.is--yellow-highlight] des restaurants traditionnels

Ludwig : Mais alors, les restaurants traditionnels sont-ils condamnés ?

Bernard Boutboul : Non, pas du tout. Mais ils doivent se réinventer. Si un restaurant ne propose pas une expérience unique, il risque d’être remplacé par la livraison ou les dark kitchens. C’est pourquoi je dis souvent : "La restauration sera expérientielle ou ne sera pas". Cela signifie qu’il faut miser sur l’interaction humaine, le décor, et tout ce qui rend l’expérience mémorable.

Ludwig : Et du côté des restaurateurs eux-mêmes ? Comment font-ils face à ces défis ?

Bernard Boutboul : C’est compliqué. Le secteur manque de personnel qualifié, et le turnover est énorme, autour de 78 %. Cela s’explique par des conditions de travail difficiles, mais aussi par un manque de valorisation du métier. Pourtant, il y a des solutions. Certains restaurateurs s’adaptent en proposant des horaires choisis, des contrats courts, ou même en rémunérant la cooptation entre employés. Cela crée une dynamique positive et aide à fidéliser le personnel.

Ludwig : Vous avez des exemples concrets de ces pratiques ?

Bernard Boutboul : Oui, bien sûr. Par exemple, certains offrent une prime mensuelle à un employé qui recrute quelqu’un de son entourage. Tant que la personne reste en poste, la prime continue de tomber. Cela incite les employés à prendre soin des nouveaux venus et crée un véritable esprit d’équipe. C’est une approche gagnant-gagnant.

Ludwig : Et pour finir, une petite prédiction ? À quoi ressemblera la restauration en 2025 ?

Bernard Boutboul : Deux grandes tendances vont continuer de dominer. D’un côté, une exploration culinaire avec des concepts innovants et des cuisines du monde. De l’autre, un retour aux traditions avec des établissements qui valorisent les savoir-faire locaux. Mais surtout, la restauration sera de plus en plus immersive et expérientielle. Ceux qui n’adoptent pas cette approche risquent de se retrouver en difficulté. Enfin, la livraison et les dark kitchens vont poursuivre leur essor, car elles répondent à une évolution sociétale où les gens cuisinent de moins en moins.